
Par Jacque
Trois rôles interagissent pour créer la relation dramatique (dans le sens grec ou » théâtral « du terme) illustrée par le Triangle de Karpman :
Karpman distingue trois comportements dramatiques qui entraînent des relations difficiles avec autrui: le Sauveteur qui aide l’autre sans que celui-ci ait rien demandé ou même contre son gré; la Victime qui se fait plus faible qu’elle ne l’est (Victime soumise) ou qui raconte ses difficultés en revendiquant (Victime rebelle); le Persécuteur qui infériorise l’autre, repère ses faiblesses, l’incite aussi à se battre avec d’autres.
Le Triangle dramatique fait référence à des personnes qui semblent rechercher ces rôles de façon régulière et existentielle (même si leur motivation est inconsciente). Ce sont des rôles dont les enjeux psychologiques dépassent largement le cadre d’un incident fortuit ou d’une situation exceptionnelle.
Si l’on entre dans une relation par l’angle Sauveteur, on va ensuite se retrouver dans l’angle Persécuteur, après être passé par l’angle Victime. Les trois positions ont besoin les unes des autres pour exister: il n’y a pas de Sauveteur sans Victime à sauver des mains d’un Persécuteur, et vice-versa.
Par exemple, dans un couple, imaginons que la femme adopte une position de Victime; elle se plaint et devient Persécutrice de son compagnon en lui reprochant de ne pas assez l’aider; ce dernier, qui a commencé dans une position de Sauveteur, va devenir Persécuteur en lui reprochant de râler et de lui faire la morale, etc.
Le modèle du Triangle de Karpman est dynamique. C’est souvent de la pitié, de la culpabilité ou simplement l’anxiété qui mettent le sauveteur en action. Celui-ci est la plupart du temps convaincu qu’il doit absolument faire quelque chose. Il croit savoir ce qu’il faut faire mieux que quiconque, se sent indispensable et irremplaçable même si on ne lui a rien demandé. Il est porté à croire que le monde ne peut fonctionner sans lui, que la personne en face de lui est incapable de se débrouiller seule, de se prendre en charge elle-même. En fait, il se croit plus compétent que la personne elle-même pour décider de ce qui est bon pour elle. Le sauveteur agit avec une bonne intention, il se sent à cette étape une âme charitable et un grand coeur, mais il protège quelqu’un sans tenir compte de ses besoins réels.
Ainsi, tout Persécuteur qui se respecte se sent Victime. Pour elle, sa persécution ou éventuelle violence est totalement justifiée par un ancien vécu de Victime, ayant subi une injustice ou autre trahison. De même, un bon Sauveteur oublie souvent ses propres besoins et s’identifie intensément à « sa » Victime, quelquefois pour l’avoir été dans son passé. Adopter la position de Victime entraîne beaucoup de fatigue et même de maladies. On ressent une incapacité à être heureux, à recevoir, à coopérer; on se sent seul, séparé des autres, on a peur des relations; on se sent persécuté, sacrifié, on a une piètre estime de soi et on ne prend pas sa vie en main.
Les relations vécues par le Triangle Dramatique sont intenses. Elles fournissent donc aux protagonistes une » dose » (telle une drogue) de stimulation affective ou psychique relativement forte. Les Jeux illustrés par le Triangle Dramatique permettent donc à chacun de faire » le plein » de reconnaissance interactive, sociale et existentielle, ce qui permet de vivre.
Il est donc important de savoir que des personnes qui souhaitent établir une relation de Jeu avec un partenaire particulier cherchent à établir avec elle une relation intense (et transférentielle).
Comment en sortir ?
Rester bienveillant et factuel, informatif, interrogatif, neutre et professionnel peut aussi signifier que l’on ne se laisse pas prendre.
Demander de clarifier très précisément ce qui est attendu de part et d’autre dans la relation peut aussi aider l’interlocuteur à se » re-saisir « pour répondre aux questions et participer à une discussion plus productive. Cela s’apparente à une approche centrée sur l’établissement d’un contrat clair.
Une autre solution consiste à « qualifier » la personne en la complimentant sur sa démarche, sur sa recherche, sur ses motivations, sur sa façon de traiter ses difficultés, ou encore sur son courage. Cette approche valorisante permet à l’interlocuteur de recevoir une reconnaissance positive qui remplace la recherche des stimulations négatives fournies par le Jeu. Cette validation permet aussi à l’interlocuteur de rentrer en relation avec un rôle imprévu et positif.
L’humour, s’il est partagé, est aussi une bonne stratégie pour désamorcer une situation délicate. À manier avec précaution, cependant, pour ne pas glisser dans ce qui sera perçu comme de la dérision, de la moquerie, de l’ironie ou du sarcasme. Ces derniers sont plus souvent des indicateurs du rôle de Persécuteur.
L’antidote à ce triangle dramatique s’appelle le triangle thérapeutique :
En n’endossant pas la responsabilité du bonheur de l’autre (prendre soin n’est pas la même chose que prendre en charge) et en s’appuyant sur l’adulte qui est en nous pour développer les 3 P : Puissance – Permission – Protection
P uissance : correspond au sentiment de confiance en soi et en ses propres ressources, ses propres compétences. Il se base sur les expériences positives que nous avons faites et dans lesquelles nous avons connu des succès, des réussites.
P ermission : nous donne la permission de grandir, d’évoluer, de faire autrement que ce que nous avons toujours fait, de faire des choses qui sont bonnes pour nous. Cette permission se fonde sur la confiance en notre capacité à nous adapter aux changements et à faire face à d’éventuelles difficultés. Elle nous ouvre de nouvelles perspectives.
P rotection : établit les repères, le clair et sécurisant au sein duquel la relation peut rester positive pour les deux partenaires. La solidarité mutuelle respecte alors les limites de chacun et ne risque pas de dévier vers le sacrifice de l’un ou de l’autre.
L’objectif étant de se permettre de sortir du triangle en s’appuyant sur un des 3 P tout en permettant à l’autre de quitter le rôle Victime – Sauveur – Bourreau en lui montrant la voie vers un de ses propres 3P.
Exemples :
L’autre (Victime) : « Je ne vais pas m’en sortir «
La Puissance : « Quelles solutions ont-elles fonctionné la dernière fois que tu as été confronté(e) à ce genre de problématique ? »
La Protection : « Si tu m’expliques ce dont tu as besoin, je verrai si je peux t’aider. »
L’autre (Bourreau) : « Je te demande un conseil et tu ne m’aides pas. »
La Permission : « J’ai confiance en ta capacité de trouver de nouvelles solutions. »
La Protection : « Qu’attends-tu de moi ? »
L’autre (Sauveur) : « Je ne le fais pas pour moi mais pour toi car tu n’as pas les mêmes compétences que moi. »
La Puissance : « Je t’en remercie mais je pense que je vais pouvoir me débrouiller »
La Permission : « Pour une fois, je vais m’en occuper. Cela me permettra d’apprendre »
La Protection : « Si je ne m’en sors pas, je n’hésiterai pas à te demander de l’aide »
Repérez vos rôles relationnels et ceux de l’autre, sans jugement, avec beaucoup d’indulgence pour votre enfant intérieur et celui de votre partenaire.
L’humour dans le décodage des interactions peut également être d’un grand secours (au départ, vous pouvez même fabriquer 3 chapeaux en papier avec les noms ou les dessins représentant les 3 rôles et n’hésitez pas à placer sur votre tête celui qui correspond au rôle que vous êtes en train de jouer).
Sachez qu’il est toujours plus facile de détecter un rôle chez l’autre que chez soi-même (et acceptez qu’éventuellement ce soit l’autre qui vous ouvre les yeux sur votre rôle favori). Si vous avez décidé ensemble de sortir du triangle, c’est pour le bien de votre relation. Souvenez-vous de cette intention positive si vous vous sentez blessé lorsque l’autre pose un chapeau sur votre tête.
Exercez-vous, soyez créatifs dans vos manières d’utiliser vos 3P.
Retenez qu’il est toujours plus facile de ne pas entrer dans le triangle que d’en sortir.
*Dans les relations pathologiques comme la manipulation, c’est l’autre qui nous fait endosser de force ce rôle de sauveur puis rend impossible le fait d’être sauvé pour pouvoir nous reprocher d’être son bourreau. Et, en nous accablant de reproches et en suscitant notre culpabilité, il devient notre réel bourreau. Avec les manipulateurs/manipulatrices pathologiques, il est impossible de sortir du triangle de Karpman.
**Attention : il est important de distinguer le RÔLE relationnel de victime que l’on peut jouer dans le triangle du STATUT de victime qui, lui, est bien réel et pour lequel la reconnaissance de ce statut est primordiale (victime d’une agression, victime d’un viol, victime de manipulation…)
Comment en sortir ?
Voici un autre texte intéressant écrit par Alain Rioux: « Aider sans agir en sauveteur » avec un petit test « êtes-vous un sauveteur » ?
Bibliographie :
L’accompagnement psychologique et spirituel , Jacques et Claire Poujol, Empreinte Temps Présent, 2007.
Vaincre la codépendance. Beattie,.Montréal: Éditions Hazelden. M. 1992.
Maîtriser vos comportements. Schuller.Québec: Les Éditions un monde différent Ltée. , R. A1994.
Analyse transactionnelle et psychothérapie, Eric Berne, Petite Bibliothèque Payot, 1977.
Manuel d’Analyse Transactionnelle, Stewart Ian et Vann Joines, Intereditions, 2005.
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