Implication de la théorie et de la recherche sur l’attachement pour la psychothérapie de l’adulte 

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John Bowlby[1] est le précurseur de la thérapie familiale. Il établit une procédure qui permet d’établir 4 catégories générales de disposition d’attachement : sécure, anxieux insécure, évitant insécure et désorganisé insécure.

Les trois premiers patterns d’attachement identifiés sont les suivants : insécure évitant, insécure ambivalent ou résistant et sécure.

Les adultes avec un style d’attachement sécure sont ceux qui trouvent qu’il est relativement facile de faire confiance aux autres, de s’ouvrir émotionnellement et de s’engager dans une relation intime à long terme.

Ceux qui ont un style anxieux ou préoccupé ne savent pas s’ils sont aimés ou non, ou encore s’ils sont dignes d’amour et susceptibles d’être protégés. Cette incertitude explique leur vigilance excessive, la recherche de confort, leur protestation fréquente et leur jalousie.

Ceux qui ont un style évitant ou détaché ont appris que, pour se sentir relativement en sécurité, ils doivent compter fortement sur eux-mêmes et ne pas chercher ouvertement à obtenir le soutien d’un partenaire, même lorsqu’un tel soutien est nécessaire à la survie et à un développement optimal.

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Dans le modèle d’attachement, on considère deux dimensions : un modèle de soi et un modèle des autres. Chacune de ces dimensions peut être positive ou négative ; en les combinant, on arrive à une classification en quatre catégories :

  • Sécure (modèle positif de soi et des autres),
  • Préoccupé (modèle négatif de soi et modèle positif des autres),
  • Évitant (modèle positif de soi et modèle négatif des autres)
  • Craintif (modèle négatif de soi et des autres).

Il faut savoir d’une part que les individus choisissent souvent des environnements qui confirment leur vision du monde. Par conséquent, la sécurité à un moment donné peut refléter à la fois la relation actuelle et les tendances antérieures. D’autre part les cliniciens et les chercheurs conviennent que les expériences relationnelles peuvent altérer les opérants existants.

Les nourrissons sécures ont tendance à avoir des parents sensibles, réceptifs est capables de considérer leurs enfants comme dotés d’un esprit, de désirs et de projets qui leur sont propres, c’est-à-dire de « mentaliser ».

Les parents de nourrisson évitants ont tendance à tenir leurs enfants à distance et à réagir négativement à leur détresse. La stratégie de vie de ses enfants consiste donc à atténuer les émotions afin de maintenir la proximité de leur base de sécurité.

Dans le cas d’attachement anxieux, l’enfant est adhésif et sa détresse est difficile à apaiser. Ses parents ont tendance à être quelque peu inconsistants ; il s’accroche donc pour s’assurer de l’attention de ses parents.

L’attachement désorganisé se caractérise par des réactions bizarres à la séparation et retrouvailles dans la « situation étrange » – ces enfants peuvent se recroqueviller sur eux-mêmes, se taper rythmiquement la tête ou sembler dissociés. Lors des retrouvailles dans la « situation étrange », les parents de ces enfants ont tendance à paraître « effondrés » ou confus lorsque l’enfant signale qu’il a besoin d’une base sécurisante. Le comportement de leur enfant peut être compris comme une tentative d’autoapaisement, en l’absence d’une source extérieure de réconfort. Les implications pour les psychothérapeutes sont la nécessité de trouver une connotation positive à ce qui peut paraître comme un symptôme et un comportement autodestructeur, défensif ou psychopathologique. Des études à long terme montrent que les styles d’attachement adoptés pendant la petite enfance ont tendance à persister à l’entrée à l’école, à la latence et jusqu’à l’adolescence et le début de l’âge adulte. Un attachement désorganisé, par exemple, est prédictif de troubles du comportement à l’adolescence. Comme nous le verrons, le mode de discours d’un individu tel que mesuré par l’Adult Attachement Interview et/ou suscité en psychothérapie – approprié, limité, trop expansif ou logique – renvoie aux styles d’attachement de la petite enfance.

Dans l’attachement évitant, où la personne qui s’occupe de l’enfant n’est que très peu disponible, l’énergie libre – avec ses effets négatifs douloureux de peur et/ou de rage – est maintenue à distance par une exclusion/répression défensive.

Dans l’attachement anxieux ambivalent, l’enfant s’accroche à la personne qui s’occupe de lui et qui est incapable de s’harmoniser efficacement avec lui.

Dans le cas d’un attachement désorganisé, l’enfant est seul avec de l’énergie libre et tente de s’apaiser par la stratégie de la niche qu’il crée lui-même, ce qui inhibe la créativité et l’exploration. Les efforts thérapeutiques sont orientés vers l’établissement d’un tiers patient-thérapeute, d’un « nous allons » ou d’une zone de transition dans laquelle l’énergie libre peut être liée de manière plus complexe, avec pour résultat la libération du moi explorateur et créatif.

L’enfant désorganisé internalise les interactions d’attachement comme des représentations changeantes, à la fois de sa figure d’attachement et de son soi, comme l’un et l’autre persécuteurs, victime et Sauveur. La simple activation du système d’attachement engendre la peur. Les enfants ayant un attachement désorganisé sont alors dans un état de dérégulation chronique, car leur système d’attachement est activé en permanence. Pour y faire face, ils mettent en place un arrangement défensif nommé « exclusion défensive ». John Bowlby définit « l’exclusion défensive » comme une stratégie adaptative, majoritairement non consciente, qui permet à l’individu de survivre à des expériences de menaces et d’anxiétés majeures, au moins à très court terme. Dans les comportements désorganisés on observe une peur violente et catastrophique, un comportement effrayé ou effrayant, car l’autre est vécu comme hostile, rejetant, dangereux, abandonnique. La dissociation correspond à un morcellement de la conscience. Elle est un processus neurobiologique dont la finalité est d’assurer la survivance du soi. Ainsi dans les cas les plus extrêmes d’effraction psychique et/ ou physique comme dans les expériences de sortie du corps que rapportent certains patients, le soi est complètement clivé du corps.  Mais un soi séparé du corps est un soi morcelé. Le manque de sécurité d’intimité et de confiance dans la relation fait qu’avec le temps, la capacité de ces enfants à activer leur système d’engagement social décroit avec une tendance à activer un seul système qui aboutit à une perception inconsciente que le monde est dangereux, y compris lorsqu’ils seront adultes. La dissociation est une stratégie défensive de protection du soi dans des situations extrêmes d’effraction psychique et/ou physique. Cette protection du Soi se fait cependant au détriment de sa cohérence et sa continuité, aboutissant à un morcellement du Soi. Construire une stabilisation solide c’est se sentir en sécurité, s’engager dans une relation d’attachement sécure et pouvoir se projeter dans le futur et avoir de l’espoir. Il s’agit de la mise en place d’une relation thérapeutique soutenante. Pour tous les patients ayant vécu des maltraitances infantiles des troubles de l’attachement, s’ajoute un sentiment inadéquat de Soi, des schèmes cognitifs altérés et une difficulté à réguler ses affects et à contrôler son impulsion. Le défi que la souffrance de ces patients pose au thérapeute est donc de taille. Installer une relation thérapeutique dans laquelle la personne se sent suffisamment en sécurité, où elle peut se mettre au travail dans de bonnes conditions, semble déjà en soi constituer un objectif thérapeutique de taille, qui est rarement explicité comme tel. La question qui se pose alors est celle de savoir comment construire une stabilisation solide, pas à pas, qui permette aux patients et à son thérapeute d’avancer dans de bonnes conditions de travail. Se sentir en sécurité, s’engager dans une relation d’attachement sécure et pouvoir se projeter dans le futur et avoir de l’espoir sont les jalons de la démarche de stabilisation. La tâche de tout thérapeute et de faire en sorte que son patient se sentent en sécurité dans un environnement sécure. Les survivants de trauma complexes ont fait l’expérience que leur intégrité n’est pas sauve. Ils peuvent rester dans un état d’hyper vigilance se méfiant de tout bruit extérieur, ne pas supporter le son de l’horloge, avec une impossibilité à se détendre ou à ressentir leur corps pour les apaiser. Le thérapeute peut proposer des exercices corporels qui consiste à ancrer le corps dans l’espace, dans l’ici et maintenant et à orienter l’attention dans le lieu et le temps présent. Le but est d’amener la conscience dans le corps et dans cet espace sécurisé. Des exercices de respiration, notamment, peuvent aussi constituer un apaisement important. Le sentiment de sécurité peut être évalué par le patient une fois que son corps est apaisé et la conscience en lien avec celui-ci.

Références :

Quand on tombe amoureux on se relève attaché, Boris Cyrulnik (Odile Jacob, 2025).

L’attachement en psychothérapie de l’adulte, Théorie et pratique clinique, sous la direction de Joanna Smith, Dunod 2023.

Psychothérapie de la dissociation et du trauma, sous la direction de Joanna Smith, 2ème édition, Dunod 2021.

Mots-clés :

Quatre catégories d’attachement : sécure,anxieux,évitant,désorganisé – un modèle de soi et un modèle des autres – les parents d’enfants insécures – une attention particulière à l’adulte désorganisé.

[1]John Bowlby, médecin psychiatre et psychanalyste britannique, fondateur de la théorie de l’attachement, s’est très tôt intéressé aux conséquences des séparations précoces des enfants d’avec leurs parents. Avec Anna Freud, Donald Winnicott et René Spitz, il révolutionne la psychiatrie et la psychanalyse des enfants.

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