
Par Jacque
L’avant et l’après Covid-19
À l’heure de cette période pandémique de la Covid-19, débutée en mars 2020, de cette crise sanitaire mondiale sans précédent, pour revenir au titre de mon livre[1], nous n’avons jamais autant entendu dire « Prenez soin de vous et de vos proches » ! La plupart des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, nous ont délivré les messages répétitifs suivants : « Notre priorité : votre santé ainsi que celle de nos concitoyens ». « La moindre des choses que nous puissions faire est d’agir solidairement pour endiguer la propagation du virus ». « Soyons responsables et solidaires les uns des autres. C’est ensemble que nous relèverons ce défi ! » Qu’est-ce à dire ? Qu’en penser ? Je renvoie le lecteur à mes trois articles, postés sur Facebook, du 27 mars[2], du 4 avril 2020[3]et du 29 novembre 2020[4]. En fait, la santé s’est imposée en urgence face à l’économie. Quel renversement de situation !
» your text Ce qui nous est arrivé n’est pas dû au hasard. Le coronavirus a paralysé la terre entière et nous a forcément amenés à nous interroger. Cette pandémie, symptôme d’un système à bout de souffle a révélé les mirages et les ravages du néolibéralisme. Cette marche folle néolibérale en avant se croyant toute puissante dont la Covid serait la Némésis a provoqué la destruction de la biodiversité, la déforestation, la pollution (atmosphérique, visuelle, sonore, maritime, aérienne, industrielle, électromagnétique, numérique, des sols – la due à l’extraction des métaux précieux-), la surconsommation addicte et la bouillie télévisuelle. Un mot concernant la responsabilité de la voiture et de l’avion polluants : l’automobile est actuellement désignée comme la championne de la pollution à tel point qu’elle est amenée à devoir passer du moteur thermique au moteur électrique moins polluant, semble-t-il (cela reste encore à démontrer) ! Pointée du doigt de façon majoritaire par le politique, la voiture n’est-elle pas devenue le « patient désigné » et ne serait-elle pas devenue l’arbre qui cache la forêt ? L’automobile est presque condamnée à devenir immobile ! La voiture pollue, certes, et nous ne pouvons le nier, mais le transport aérien pollue davantage. Pourquoi n’est-il pas désigné dans sa responsabilité ? L’avion, en fait, est le mode de transport le plus émissif et vient en tête du classement des plus polluants. Un avion de type Airbus utilise l’énergie équivalente au carburant utilisé par environ 3500 voitures ! L’avion est donc la forme de mobilité la plus dommageable pour le climat. Le transport aérien ( passagers, tourisme, fret) devrait donc prendre ses responsabilités ! Le premier confinement fut pour nous tous « une scène de vérité »[5]. Vérité du capitalisme qui semble nous tuer tous. Cette pandémie a enrayé cette machine devenue infernale et s’est révélé désormais profondément écocide[6]. En effet, nous sommes au bout d’un système économique fondé sur quatre logiques : extraire, produire, consommer et jeter sans se soucier des conséquences. La covid a fait voler en éclats la vitrine du monde et a rappelé l’humanité à l’ordre de son humilité. Les violences résultant de ce profond dysfonctionnement surgissent comme la face émergée d’un iceberg dont la partie immergée nous échappe ! On a découvert les limites d’un système, de l’ultralibéralisme qui a distendu les liens, qui a fait s’éroder le tissu social. En effet, nous vivons dans une société où règne l’hyper industrialisation à outrance combinée à la cupidité, à la spéculation financière de certaines organisations (banques, multinationales agroalimentaires et autres…) et à l’individualisme exacerbé qui règne en maître. Le technocapitalisme, dans sa course utilitariste, brûle et consume tout. Avec le « toujours plus » nous sommes dans une société de l’épuisement. Le burn-out (épuisement professionnel) est le symptôme révélateur de cet excès et du dysfonctionnement entre le travailleur et les contraintes de travail de plus en plus fortes. Si la production industrielle née après-guerre a aidé les gens à se nourrir et à survivre, actuellement elle est en train de nous faire mourir. En effet, l’intensification des cultures provoque la suppression des forêts, l’érosion accélérée des sols engendre l’appauvrissement des sols par l’emploi des pesticides, engrais… garantissant ainsi la production, voire la surproduction avec toutes les conséquences qu’on connaît sur la santé des gens, sans compter les inondations de plus en plus importantes un peu partout ainsi que les multiples incendies mondiaux ! L’utilisation des pesticides à grande échelle a participé, pour sa part, à la pollution des eaux potables, ainsi que des océans et de sa faune et sa flore. Ainsi, du fait de la pollution de l’eau par l’azote et le phosphore provenant des engrais chimiques, les algues ont proliféré, réduisant la quantité d’oxygène nécessaire aux poissons, dont la population a diminué (sans compter les excès de la pêche intensive et la pollution des eaux par l’omniprésence de micro et macro plastiques !). Le but, dans cette dictature du présent, n’est plus de nourrir les gens, mais le rendement, la rentabilité avant tout et à travers tout. On produit pour produire, et ce sans aucune éthique ! On fait plus de la même chose sans effectuer aucun changement véritable. La destruction prend alors la place de la production. À ce jour, au moins un milliard d’humains ont faim alors que nous produisons deux fois plus que ce qu’il ne faut pour nourrir l’humanité entière ! Un milliard de personnes souffrent de la famine, de malnutrition alors qu’un tiers de la production mondiale de nourriture est perdu ou gaspillé ; et en même temps, on compte plus d’un milliard et demi d’adultes en surpoids ! Il faut trouver le moyen de sortir de la recherche à tout prix du profit immédiat, au détriment de la viabilité à long terme des systèmes alimentaires et créer des initiatives innovantes. Penser le long terme est une urgence de court terme. Pourquoi, p.ex., ne pas investir dans des exploitations agricoles dites familiales, plus à même de produire localement sans détruire les écosystèmes et permettre à chacun de retrouver le goût des choses ? Pourrions-nous réorienter la production industrielle et la consommation actuelles, dans un souci d’éco responsabilité et d’écocitoyenneté, vers une production et une consommation « positives » c’est-à-dire vers des biens durables ? L’économie dite circulaire[7], par exemple, pourrait mieux répondre aux enjeux environnementaux. Préserver la nature, c’est se donner les moyens de préserver les conditions d’existence de l’humanité, à condition que les actions réalisées par l’homme soient responsables, c’est-à-dire qu’elles préservent les conditions d’existence de l’humanité. L’homme contrôle la nature à l’aide de techniques qu’il ne contrôle pas ! L’être humain pourrait investir dans la biodiversité p. ex. respecter un certain nombre de principes se rattachant à ce que l’on nomme « la bonne gouvernance » : principe de précaution, principe de responsabilité, principe de la participation des parties prenantes aux décisions, principe d’équité et de solidarité, etc. Il pourrait développer une approche éthique capable de dépasser l’anthropocentrisme responsable de la détérioration de l’environnement et des crises écologiques qui en découlent. L’approche éthique environnementale pourrait devenir biocentrée, c’est-à-dire étendue à tous les êtres vivants (animaux, écosystèmes, plantes…). Il pourrait également respecter la règle d’or de l’éthique (« Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît »), etc. L’éthique est au fondement de l’humanité. Elle est légitime : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »[8]. Le respect de la vie est un de ces principes éthiques à valeur universelle : la vie est la vie et l’Homme n’a pas à user des animaux, des plantes, comme des choses. Pourrions-nous nourrir l’espoir d’un retour d’activités plus porteuses de sens, accordant une plus grande attention à l’autre en remettant en cause notre tropisme matérialiste ? Enfin, l’Homo Ethicus pourrait-il remplacer l’Homo Economicus ? Mais « L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ? »[9]– titre d’un livre du sociologue Zygmunt Bauman[10] – cité par Vinciane Despret dans son livre « Habiter en oiseau » -. Or certaines personnes imaginent encore qu’elles peuvent maintenir un système capitaliste sauvage ! L’enjeu de cette pandémie serait de réinterroger ce qui est essentiel pour chacun de nous, de redonner le plus d’amplitude possible au sens de la vie. Notre avenir sera-t-il un simple prolongement du pire en gestation ou au contraire une superbe occasion d’infléchir ce que nous a offert cet arrêt du monde ? Qu’en est-il également de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui ont un rôle social et environnemental majeur à jouer ? Il faudra revenir aux fondamentaux de notre société[11]et surtout à l’éthique. Ne nous appartient-il pas de faire en sorte que tout ne recommence pas comme avant et entonner un autre chant ? Et de citer encore, à ce sujet, Vinciane Despret[12] : « Ce n’est pas oublier que si la terre gronde et grince, elle chante également. C’est ne pas oublier non plus que ces chants sont en train de disparaître, mais qu’ils disparaîtront d’autant plus si on n’y prête pas attention. Et que disparaîtront avec eux de multiples manières d’habiter la terre, des inventions de vie, des compositions, des partitions mélodiques, des appropriations délicates, des manières d’être et des importances. Tout ce qui fait des territoires et tout ce que font des territoires animés, rythmés, vécus, aimés. Habités. Vivre notre époque en la nommant « Phonocène »[13], c’est apprendre à prêter attention au silence qu’un chant de merle peut faire exister, c’est vivre dans des territoires chantés, mais c’est également ne pas oublier que le silence pourrait s’imposer. Et que ce que nous risquons bien de perdre également, faute d’attention, ce sera le courage chanté des oiseaux. »[14] L’éthique est un choix de vie qui implique un engagement et un coût. Mon éthique personnelle est celle du choix responsable. Nous détaillerons cela dans ce qui va suivre.
S’engager c’est faire un choix ! Dans l’engagement, on ne s’autorise que de soi-même. Aussi « Il n’y a pas d’engagement sans responsabilité[15].Le mot « responsabilité » vient du latin responsum, de respondere, répondre de ses actes, assumer. Celui qui s’engage doit pouvoir répondre de lui-même pour la cause qu’il a choisie. La responsabilité, qu’elle soit morale ou juridique, c’est le fait de pouvoir répondre de soi-même à quelqu’un pour quelque chose. Or il n’y a pas de responsabilité sans liberté. La responsabilité n’est-elle pas le prix à payer de la liberté ? Le mot « liberté » vient du latin libertas, état de celui qui n’est pas esclave, pouvoir de se déterminer soi-même. Il n’y a pas non plus de responsabilité sans conscience réflexive et sans le sentiment de faire partie d’une communauté humaine. Acte déterminé par la pensée, l’engagement est une objection concrète au lieu commun selon lequel il y aurait une opposition de nature entre la théorie et la pratique, entre le langage et l’action (voir le fameux : « Assez de paroles ! Des actes ! », qui suppose qu’il n’y a de réalité effective que dans l’action pratique). « Engager » a d’abord signifié, conformément à l’étymologie, mettre en gage. Ce sens existe toujours dans la langue française. Au XVIe siècle, le verbe a pris le sens figuré de faire pénétrer dans quelque chose, avec l’idée d’un espace occupé, d’une liberté empêchée. Ainsi dit-on encore que l’enfant a « engagé le doigt » dans le trou d’une serrure ; au rugby, on engage le ballon dans la mêlée. Les usages ultérieurs sont issus de ces deux sens : mettre en gage et faire pénétrer. Chez Montaigne (seconde moitié du XVIe siècle), « engager » signifie faire entrer dans une situation contraignante, donner pour caution sa parole, ainsi que lier par une promesse. Ainsi dira-t-on : engager quelqu’un par le mariage. « Engager » possède les deux sens contenus dans l’idée d’introduction : celui de faire pénétrer (introduire le doigt dans une serrure), et celui de commencer (introduire un ouvrage). Une colonne engagée (un pilastre) est un élément d’architecture qui constitue une espèce de début de colonne : ce n’est pas une véritable colonne, mais un relief de colonne dont le mur est le support. Au début du XVIIe siècle, le verbe « engager » prend le sens de recruter : on engage un volontaire dans la troupe, on engage un domestique. Celui qui est engagé doit un service. Ce n’est qu’au XXe siècle qu’« engager » a pris le sens d’entrer dans une action, et dans sa forme pronominale (« s’engager»), celui de prendre position sur des questions politiques. C’est de ce dernier sens qu’est issu l’usage spécifique du terme d’engagement. Le participe passé « engagé » qualifie celui qui s’est mis au service d’une armée ou d’une cause. On parle ainsi de théâtre engagé, de littérature engagée. Les sens du substantif « engagement » ont suivi une évolution parallèle à ceux du verbe « engager ». Très tôt, au Moyen Âge, le mot a un usage juridique et renvoie à l’action de mettre quelque chose en gage, de lier par un contrat puis de se lier par une promesse. À partir de la fin du XVIe siècle, il désigne ce qui pousse quelqu’un à agir d’une certaine façon, ainsi que l’état de celui qui est engagé dans une liaison, et une situation sociale qui implique des obligations. L’engagement est alors le fait de participer à une œuvre ou à une entreprise en échange d’un paiement ou d’un salaire (les gages). Nos modernes contrats de travail sont les héritiers de cet « engagement ». Le mariage était conçu comme un engagement réciproque pour la durée de la vie ; les fiançailles ont aussi été désignées par le terme d’engagement. Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, avec les guerres de la Révolution et de l’Empire, le terme d’engagement signifie l’introduction d’une unité militaire dans une bataille et aussi cette bataille même. Ce double sens se retrouve dans l’usage politique contemporain de l’engagement qui signifie à la fois la décision d’agir en faveur d’une cause qu’on a choisi de défendre, et l’action enclenchée par cette décision. Nous retrouverons ce double sens à propos de la temporalité complexe de l’engagement, qui s’inscrit ou bien dans l’instant du choix ou de la décision, ou bien dans la durée plus ou moins longue de l’action. Ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec des écrivains comme Sartre et Camus, que le terme d’engagement a fini par désigner l’attitude de l’intellectuel qui met sa pensée et ses écrits au service d’une cause. Notons pour mémoire qu’en psychologie sociale (la discipline scientifique qui étudie le comportement de l’individu en société), l’engagement désigne l’ensemble des conséquences d’un acte sur le comportement et les attitudes des gens, l’idée étant que c’est la situation qui détermine ce comportement et ces attitudes, et non le caractère des individus. Un autre usage, que nous notons également pour mémoire, est économique. L’engagement désigne l’ensemble des participations prises par une personne dans une entreprise ou dans le capital d’une société. Dans le langage de la finance, l’engagement (exposure en anglais) est le terme désignant la proportion d’actifs investis dans un secteur donné. Ainsi un portefeuille d’actions d’une valeur totale d’un million d’euros, avec 100 000 euros d’actions dans un organe de presse, a un engagement de 10 % dans ce secteur. Remarquons, pour terminer avec cette question de vocabulaire, que dans les autres langues le terme signifiant engagement ne vient pas du gage, mais de l’idée de commission (d’où commitment en anglais, compromisso en italien), qui signifie à la fois le mouvement d’envoi (la mission) et la relation. Ainsi compris, l’engagement, qui est à la fois mission et promesse, lie d’une part le sujet qui s’engage au jugement d’autrui qui vérifiera si l’engagement est tenu, d’autre part le présent de l’acte au futur de l’action de s’engager. »[16] Je rejoindrais Jacques Salomé quand il nous parle de « responsabilisation d’engagement » : « Je peux ainsi découvrir qu’il m’appartient d’apprendre à m’aimer pour pouvoir aimer, et ainsi ne pas rester dans le besoin impérieux ou l’exigence d’être aimé ; en acceptant par exemple l’idée que derrière toute peur se cache un désir, en reconnaissant que le pôle opposé à la peur est le désir. En cessant de me laisser traquer par l’angoisse et limiter par l’inhibition, c’est le mouvement et la fantaisie que j’introduis dans ma vie. »[17]
C’est précisément lorsque nous nous autorisons à choisir des actions qui sont en harmonie avec nous, qui respectent nos valeurs et expriment nos compétences que nous devenons très précieux pour les autres. Réussir sa vie ne doit pas être confondu avec réussir dans la vie. Une vie réussie est une vie que l’on a menée conformément à ses souhaits, à son éthique, en agissant en accord avec ses propres valeurs, en donnant le meilleur de soi-même dans ce que l’on fait, en restant en harmonie avec qui l’on est, et, si possible, une vie qui nous a donné l’occasion de nous dépasser, de nous consacrer à autre chose qu’à nous-mêmes et d’apporter quelque chose à l’humanité, même très humblement, même si c’est infime. « Il appartient à chacun de ne pas s’abuser et de cesser d’accuser autrui d’être le responsable de sa souffrance ou de ses manques. Passer de la victimisation à l’affirmation, et donc à la responsabilisation, suppose qu’on accepte de ne plus se complaire dans la dépendance ou l’impuissance. Accéder à la reconnaissance de ses blessures et de ses besoins, apprendre à développer des capacités d’autonomie et de prise en charge personnelle, des moyens visant à satisfaire ses propres besoins, telles sont les bases d’une liberté d’être à la fois plus centrée et plus ouverte. Cette responsabilité de conscience constitue un pas essentiel vers le respect de soi. »[18]Réussir sa vie c’est aussi « Rire souvent et sans restriction ; s’attirer le respect des gens intelligents et l’affection des enfants ; tirer profit des critiques de bonne foi et supporter les trahisons des amis supposés ; apprécier la beauté ; trouver en chacun le meilleur ; laisser derrière soi quelque chose de bon, un enfant en bonne santé, un coin de jardin, ou une société en progrès ; une vie qu’on a rendue plus belle ; savoir qu’on a facilité l’existence de quelqu’un par notre simple présence ; voilà ce que j’appelle réussir sa vie. »[19] « La santé psychique, justement, c’est quelque chose qui doit se décider, se conquérir à tout moment, qui est aussi toujours relatif à une histoire, à un milieu et, finalement même à une décision prise en commun par un patient, un homo patiens qui vit cette condition pathique[20], et un éventuel thérapeute, étant entendu que toujours, chacun est aussi son propre thérapeute : l’homme c’est l’animal malade, mais aussi auto thérapeutique. »[21]Je citerais ici les propos de Moussa Nabati dans son livre « Guérir son enfant intérieur »[22]dans la partie « Le plaisir de vivre » à propos de la biologie de l’espoir : « C’est là qu’une bonne et efficace psychothérapie délivrante-donnant l’envie de vivre-, autorisante, peut-être utile. Je ne dis pas et ne pense pas que seuls les égoïstes guérissent ! Mais il y a des limites aux droits d’autrui sur soi, une limite entre soi et autrui. …Lorsque le patient, de par son évolution personnelle avec l’aide d’une psychothérapie, devient une personne, une personne à part entière, et s’autorise ou s’accorde les petits et grands plaisirs de la vie, s’accorde le droit au temps et à l’espace, à ses désirs et à sa créativité, à lâcher ses rôles néfastes et son identification, sa loyauté invisible familiale – met de côté sa culpabilité et cesse de « payer pour vivre » -, on voit souvent des améliorations spectaculaires. S’autoriser à se faire plaisir, devenir soi, « s’éclater » dans la joie et le bonheur est une nourriture du corps et de l’âme. Ce plaisir de vivre et d’être, de plénitude, cela peut être le bonheur de petites choses, comme la joie de vivre, de respirer, de voir le ciel bleu, d’exister, simplement, d’être reconnu, d’aimer et d’être aimé…tout se passe comme si c’était une nourriture de l’âme et du corps, une nourriture affective transformante, la « biologie de l’espoir » transformant réellement la biologie du corps, son immunologie, ses réactions, et permettant ainsi de retrouver un meilleur fonctionnement biopsychocorporel, donc une meilleure santé, et parfois la vraie bonne santé – et la vie. » Ce qui vient d’être énoncé ressemble fort à la citation de Voltaire : « j’ai décidé d’être heureux, car c’est bon pour la santé » ! J’ajouterais que cette forme de bonheur n’a aucun effet secondaire indésirable !
La gratitude est le moteur invisible de l’éthique entière, au sens où avec elle chacun est autorisé à interpréter ce qu’il a reçu, où chacun est « responsable » de ce qu’il fait de sa vie et de ses rencontres. « Prendre soin de soi, faire vivre en soi le plus souvent possible des moments de joie, de plaisir, de bonheur, d’admiration, de gratitude, c’est non seulement une source de bien-être, mais aussi source d’énergie et d’ouverture au monde. »[23]
Les perspectives d’avenir constructives alors se traduiront par une reconnexion à soi, à son histoire et au monde vivant. Une nouvelle dynamique permettra de se retrouver dans son espace, à prendre pied dans sa vie, à s’ancrer, se construire un socle, retrouver son centre de gravité (ce qui est tout le contraire de ce qui est décrit dans le livre « L’Homme sans gravité[24] »). Il s’agira d’élargir son champ de vision, d’action et non seulement de vivre mais aussi d’exister c.-à-d. vivre sa vie sans la subir, se faire être et donner un sens à sa vie. La puissance créatrice apprise et non pas l’impuissance acquise se seraient donner sens à sa vie, à la recherche du développement humain et non plus à la croissance économique pour elle-même. L’humanité a devant elle un vrai avenir et cet avenir n’est pas simplement à penser mais à faire. Ce qui est à faire, c’est de créer une dynamique collective, où action créatrice et réflexion marcheront ensemble. La puissance créatrice est traduite également par ce que j’ai appelé dans mon livre[25], à la page 257, le circuit créatif. Ce circuit de transformation révèle quatre composantes fondamentales détaillées dans mon livre à savoir : « s’accompagner, s’appartenir, s’avoir et s’autoriser » et représente la prise en soin de soi et de l’(A) autre. Sa formule est la suivante :
CC ( circuit créatif) = PSS (prendre soin de soi)+ PSA (prendre soin de l’(A) autre ). Cette formulation ne serait-elle pas, par ailleurs, celle de l’effet anti-dépresseur ? Aux formules définies plus haut il faudrait ajouter, à mon sens, une autre dimension que nous ne pouvons pas ignorer, celle de l’environnement ou du contexte. Cette dimension serait définie par la formule suivante : PSE, soit « Prendre soin de l’environnement ». Je précise également à la page 257 de mon livre un lien que nous pouvons faire avec le concept de la Santé Mentale : « Nous en arrivons au point final qui est la définition de la Santé Mentale (SM) qui serait la suivante : la santé mentale serait représentée par le circuit créatif et la prise en compte de l’environnement voire du contexte (prendre soin de l’environnement). La formule devient :
SM = CC + PSE ».
[1] Jacques Michelet, Prendre soin de soi et de l’autre en soi, Ed. L’Harmattan, Paris, Septembre 2020. [2]Le coronavirus, malheureusement, révélateur de notre société : [3]Le coronavirus, malheureusement, révélateur de notre société – suite : l’excès : [4] Crise sanitaire salutaire et retour aux fondamentaux de la société : [5] François Cusset, Le génie du confinement, Ed. Les liens qui libèrent,2021. [6] Un écocide est la destruction ou l’endommagement irrémédiable d’un écosystème par un facteur anthropique, c’est-à-dire lié à la présence de l’homme. [7]L’économie circulaire propose de repenser nos modes de production et de consommation afin d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles et ainsi limiter les déchets générés. Elle désigne un concept économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et dont l’objectif est de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit de déployer, une nouvelle économie, circulaire, et non plus linéaire, fondée sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie. [8]Jonas, Les principes responsables, une éthique pour la civilisation technologique, Ed. Du Cerf, 1993, Paris, p. 30. [9]Citation de Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Ed. Actes Sud, 2019, p. 42. [10] Zygmunt Bauman, L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ? Flammarion 2009. [11] Crise sanitaire et retour aux fondamentaux de notre société in article posté sur Facebook en date du 29 novembre 2020 : https://www.facebook.com/jcqsmichelet/posts/3486796034744993 [12] Vinciane Despret est une philosophe des sciences belge, professeur à l’Université de Liège et à l’Université Libre de Bruxelles. [13] Ce concept de phonocène, cité par Vinciane Despret, dans son livre « Habiter en oiseau » est une façon de nommer une époque en considérant à la fois l’idée d’une catastrophe et à la fois l’idée qu’il y a encore de la vie, mais qu’il faudra se coltiner avec elle d’une manière différente. [14] Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Actes Sud 2019, p.181. [15]Les termes « responsable » et « responsabilité » font référence, par leur étymologie, au verbe latin « respondere », et ils renvoient à la dimension de la réponse (répondre d’une chose signifie, comme le dit le dictionnaire, en être caution, en être garant). Ce qui veut dire que « être responsable » de ses actes signifie « répondre de ses actes ». La notion de responsabilité est fondatrice pour l’éthique : sans présomption de responsabilité, il n’y aurait pas de morale. La responsabilité, cependant, ne peut être toujours attribuée aux agents moraux : un acteur n’est responsable que s’il agit de façon volontaire, libre et consciente. On n’est pas, par exemple, responsable de ce qu’on ne contrôle pas : pour qu’on puisse assumer la responsabilité de ses actes (et pour qu’un tiers puisse ainsi lui attribuer une responsabilité), il faut qu’on ait le choix (d’agir ou ne pas agir) et le pouvoir d’agir, si on le veut, de façon différente. C’est pourquoi, en matière de crimes ou de délits, les auteurs peuvent être « punissables » ou « excusables » (Code pénal, II, art. 59-74) selon les circonstances de leur acte et leur état psychophysique, et que la jurisprudence pénale a été amenée à introduire le concept de « responsabilité partielle ou atténuée ».
[16]https://static.fnacstatic.com/multimedia/editorial/pdf/9782729883775.pdf [17] Jacques Salomé, Le courage d’être soi, Ed. Du Relié, 1999. p.215. [18]Ibidem.p.211. [19] Ralph Waldo Emerson (1803-1882) essayiste, philosophe, poète américain et chef de file du mouvement transcendantaliste américain du début du XIXᵉ siècle. [20]Je précise ici que le pathique est une communication immédiatement présente, intuitive-sensible, encore préconceptuelle, que nous avons avec le monde. Le champ du « pathique » est celui qui renvoie le malade à ce qu’il peut, à ce qu’il veut, à ce qu’il doit ou ose devenir ! Ce concept est développé plus loin, dans la deuxième partie de mon livre, avec l’intitulé « Diagnostic et psychiatrie ». [21]Jacques Schotte, Un Parcours, Editions Le Pli, 2006, p.305-306. [22]Moussa Nabati, Guérir son enfant intérieur, Ed Fayard, 2008, p.196-197. [23] Propos de Christophe André in Alexandre Jollien, Christophe André, Matthieu Ricard, A nous la Liberté ! L’Iconoclaste et Allary Editions, Paris, 2019, p.415. [24] Charles Melman et Pierre Lebrun, L’Homme sans gravité, Ed. Denoël, Paris 2002. [25] Jacques Michelet, Prendre soin de soi et de l’autre en soi, Ed. L’Harmattan, Paris, Septembre 2020. » your text 27 février, 2024 16 février, 2024 L’engagement
Sortir de l’enfermement, l’enfer-me-ment !
La gratitude
La puissance créatrice ou la transformation
Elle a suivi une formation de psychologue, avant de reprendre des études de philosophie. Après avoir commencé, à s’intéresser à l’éthologie, elle s’oriente vers la philosophie des sciences. Inspirée dans sa démarche par Isabelle Stengers et Bruno Latour, elle se propose de suivre les scientifiques sur leurs terrains, dans leur pratique, et de comprendre comment ils rendent leurs objets d’études intéressants.
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