L’éthique, la réflexion et l’action

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L’éthique

Le mot éthique vient du grec ethikos signifiant « moral » et de de ethos signifiant « mœurs ». Etymologiquement le mot « éthique » est un synonyme, d’origine grecque, de « morale ». Il a cependant, de nos jours, une connotation moins péjorative que « morale » car plus théorique ou philosophique. L’éthique s’attache aux valeurs. L’éthique est une réflexion sur les valeurs qui orientent et motivent nos actions. Cette réflexion s’intéresse à nos rapports avec autrui et peut être menée à deux niveaux. Au niveau le plus général, la réflexion éthique porte sur les conceptions du bien, du juste et de l’accomplissement humain. Elle répond alors à des questions comme : « qu’est-ce qui est le plus important dans la vie ? que voulons-nous accomplir ? quels types de rapports voulons-nous entretenir avec les autres ? Les valeurs deviennent ainsi des objectifs à atteindre, des idéaux à réaliser. À l’échelle individuelle, nos actions sont autant de moyens d’actualiser nos valeurs. À l’échelle collective, l’imposition de règles est aussi un moyen de réaliser l’idéal partagé ; les actions qui vont dans le sens de l’idéal deviennent des devoirs, des obligations. Les règles, cependant, sont générales et ne peuvent couvrir toutes les situations où des choix d’actions sont nécessaires. C’est pourquoi la réflexion éthique porte aussi, au niveau particulier, sur les cas embarrassants et les dilemmes. Elle répond alors à des questions comme : quelle est la valeur la plus importante dans cette situation ? quelle est la meilleure décision éthique dans ces circonstances ?

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Le terme « éthique » renvoie à la visée (intention) qui sous-tend l’activité d’un sujet en acte(s). « L’éthique peut se définir comme l’interrogation qui place d’emblée un sujet qui agit devant la question de « L’AUTRE ». J’entre dans le registre de l’éthique quand l’autre fait question : est-ce que « je le traite comme une fin ou seulement comme un moyen » (Kant) ? Est-ce que je le reconnais comme un « sujet » avec qui je peux engager une rencontre ? Ou bien est-ce que j’en fais un objet qui peut servir mes intérêts et contribuer à ma satisfaction ? »[1]

L’éthique est une visée de l’être humain. C’est elle qui détermine les actions qui sont menées et donc les techniques qui en découlent. Savoir ce que nous faisons est, notamment, une question posée par l’éthique. Platon, Aristote et d’autres philosophes antiques et contemporains en ont largement débattu. La question posée par Aristote est celle de savoir quelle est la fin dernière de l’homme, c’est-à-dire une fin par rapport à laquelle les autres fins ne seraient que des moyens et qui ne serait pas elle-même moyen pour une autre fin. L’éthique constitue une réflexion sur l’action, renvoie à la question du savoir sur le faire.

La règle d’or de l’éthique est la suivante : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît ». L’éthique est au fondement de l’humanité. Elle est légitime : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »[2]. Qu’est-ce l’éthique pour chacun ? Question à laquelle chacun devrait réfléchir, me semble-t-il…

Nous revenons donc à la question du choix que nous faisons dans (de) notre vie qui est lui-même relié à notre éthique de vie personnelle. Agir conformément à son éthique c’est agir en accord avec ses propres valeurs, en donnant le meilleur de soi-même dans ce que l’on fait, en restant en harmonie avec qui l’on est, et, si possible, avoir une vie qui nous a donné l’occasion de nous dépasser, de nous consacrer à autre chose qu’à nous-mêmes et d’apporter quelque chose à l’humanité, même très humblement, même si c’est infime. A propos de la question de « faire le bien » je souhaite, ici, faire référence, en quelques mots, à l’éthique de Spinoza[3] qui me semble intéressante : « L’éthique, telle que Spinoza la développe, vise la « vie bonne » : il ne s’agit pas seulement de « faire le bien », il s’agit aussi « d’être bien« . Ainsi, la fin que vise l’éthique est ce que Spinoza appelle la liberté et la « béatitude ». Il s’agit de passer de l’état ordinaire de servitude, d’esclavage à l’égard de nos passions à un état de liberté, il s’agit aussi de passer de l’état ordinaire d’anxiété dans lequel nous plongent nos passions à un état de joie perpétuel que serait la béatitude ou félicité. Il s’agit ici, comme en morale, de fins qui valent pour elles-mêmes : être joyeux, cela ne sert à rien, sinon à être joyeux, de même pour la liberté… La connaissance éthique n’est pas qu’un savoir théorique et rationnel, c’est en même temps une intuition, c’est-à-dire ce qu’on peut appeler une expérience intimement vécue (non pas l’expérience sensible de quelque chose d’extérieur mais une pensée vécue en même temps qu’elle est pensée et inversement) : il s’agit de goûter la « vie bonne » en même temps qu’on la comprend. »[4] A propos de la joie, voici ce que Matthieu Ricard[5] nous en dit dans son livre « A Nous la Liberté ! »[6] co-écrit avec Christophe André[7] et Alexandre Jollien[8] : « La psychologie positive, la vraie, nous montre que les émotions positives comme la joie, la gratitude, l’émerveillement, l’enthousiasme, l’inspiration et l’amour sont bien plus qu’une simple absence d’émotions négatives. La joie, par exemple, est d’avantage que l’absence de tristesse. Cette dimension est source de profondes satisfactions et nous permet de construire notre force d’âme, à l’égard de l’approche de la mort notamment. »

L’éthique et le choix responsable

Mon éthique personnelle est celle du choix responsable. Nous vivons dans une société où règne l’hyper industrialisation à outrance combinée à la cupidité, à la spéculation financière de certaines organisations (banques, multinationales agroalimentaires et autres…) et à l’individualisme exacerbé qui règne en maître. Le technocapitalisme, dans sa course utilitariste, brûle et consume tout. Avec le « toujours plus » nous sommes dans une société de l’épuisement. Le burn-out (épuisement professionnel) est le symptôme révélateur de cet excès et du dysfonctionnement entre le travailleur et les contraintes de travail de plus en plus fortes. Si la production industrielle née après-guerre a aidé les gens à se nourrir et à survivre, actuellement elle est en train de nous faire mourir. En effet, l’intensification des cultures provoque la suppression des forêts, l’érosion accélérée des sols engendre l’appauvrissement des sols par l’emploi des pesticides, engrais… garantissant ainsi la production, voire la surproduction avec toutes les conséquences qu’on connaît sur la santé des gens, sans compter les inondations de plus en plus importantes un peu partout ! L’utilisation des pesticides à grande échelle a participé, pour sa part, à la pollution des eaux potables, ainsi que des océans et de sa faune et sa flore. Ainsi, du fait de la pollution de l’eau par l’azote et le phosphore provenant des engrais chimiques, les algues ont proliféré, réduisant la quantité d’oxygène nécessaire aux poissons, dont la population a diminué (sans compter les excès de la pêche intensive et la pollution des eaux par l’omniprésence de micro plastique !). Le but, dans cette dictature du présent, n’est plus de nourrir les gens, mais le rendement, la rentabilité avant tout et à travers tout. On produit pour produire, et ce sans aucune éthique ! On fait plus de la même chose sans effectuer aucun changement véritable. La destruction prend alors la place de la production. À ce jour, au moins un milliard d’humains ont faim alors que nous produisons deux fois plus que ce qu’il ne faut pour nourrir l’humanité entière ! Un milliard de personnes souffrent de la famine, de malnutrition alors qu’un tiers de la production mondiale de nourriture est perdu ou gaspillé ; et en même temps, on compte plus d’un milliard et demi d’adultes en surpoids ! Il faut trouver le moyen de sortir de la recherche à tout prix du profit immédiat, au détriment de la viabilité à long terme des systèmes alimentaires et créer des initiatives innovantes. Penser le long terme est une urgence de court terme. Pourquoi, p.ex., ne pas investir dans des exploitations agricoles dites familiales, plus à même de produire localement sans détruire les écosystèmes et permettre à chacun de retrouver le goût des choses ? Pourrions-nous réorienter la production industrielle et la consommation actuelles, dans un souci d’éco responsabilité et d’écocitoyenneté, vers une production et une consommation « positives » c’est-à-dire vers des biens durables ? L’économie dite circulaire[1], par exemple, pourrait mieux répondre aux enjeux environnementaux. Préserver la nature, c’est se donner les moyens de préserver les conditions d’existence de l’humanité, à condition que les actions réalisées par l’homme soient responsables, c’est-à-dire qu’elles préservent les conditions d’existence de l’humanité.  L’homme contrôle la nature à l’aide de techniques qu’il ne contrôle pas ! L’être humain pourrait investir dans la biodiversité p. ex. respecter un certain nombre de principes se rattachant à ce que l’on nomme « la bonne gouvernance » : principe de précaution, principe de responsabilité, principe de la participation des parties prenantes aux décisions, principe d’équité et de solidarité, etc. Il pourrait développer une approche éthique capable de dépasser l’anthropocentrisme responsable de la détérioration de l’environnement et des crises écologiques qui en découlent. L’approche éthique environnementale pourrait devenir biocentrée, c’est-à-dire étendue à tous les êtres vivants (animaux, écosystèmes, plantes…). Il pourrait également respecter la règle d’or de l’éthique (« Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît »), etc. L’éthique est au fondement de l’humanité. Elle est légitime : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »[2]. Le respect de la vie est un de ces principes éthiques à valeur universelle : la vie est la vie et l’Homme n’a pas à user des animaux, des plantes, comme des choses.

[1]L’économie circulaire propose de repenser nos modes de production et de consommation afin d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles et ainsi limiter les déchets générés. Elle désigne un concept économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et dont l’objectif est de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit de déployer, une nouvelle économie, circulaire, et non plus linéaire, fondée sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie.

[2]Jonas, Les principes responsables, une éthique pour la civilisation technologique, Ed. Du Cerf, 1993, Paris, p. 30.

L’éthique professionnelle

En éthique professionnelle, la réflexion porte sur les valeurs qui motivent les conduites des professionnels et qui sont actualisées dans les codes de déontologie. Le but de la réflexion éthique est de déterminer non pas les valeurs les plus motivantes, sur le plan subjectif, mais celles qui peuvent justifier rationnellement notre action, celles qui constituent de bonnes raisons d’agir dans un sens ou dans l’autre. L’éthique professionnelle, c’est aussi une charte d’engagements, de responsabilités et de comportements adoptés par une structure et visant à évaluer les conséquences des actes et actions de toute personne physique ou morale affiliée à la société.

En psychothérapie, la question des méthodes et des moyens doit renvoyer d’abord à celle de l’éthique. Il s’agit de penser sa pratique et d’élaborer psychiquement les situations rencontrées. Avoir assimilé les outils et techniques relatifs à la pratique ne suffit pas. S’interroger, par contre, sur le sens des actes que l’on pose et sur les valeurs qui les sous-tendent permet d’en être plus conscient, de se rapprocher des objectifs poursuivis et de mieux cadrer ses interventions.

La réflexion et l’action

  • La réflexion sans l’action introduit l’inertie.
  • L’action sans la réflexion introduit l’agitation.
  • L’action et la réflexion conjugués introduisent du sens et une direction, l’ouverture de soi à ce que vit l’autre, sans être submergé, sans se laisser submerger et sans submerger l’autre par nos « bons » sentiments !

L’action sans la gesticulation :

« Cet idéal de paix intérieure est un point de départ de l’engagement, il débouche sur une action, avec une économie de moyens. C’est l’action sans la gesticulation. »[9]

La réflexion lente :

« Est-ce que toutes nos réflexions ne sont pas à contre-courant de ce que propose notre époque ? Mouvement de changements permanents, flux continus d’informations et de distractions, incitation à réagir rapidement plutôt qu’à réfléchir lentement, réflexions basées sur les images plutôt que sur les écrits, connexion constante avec proches, médias ou même inconnus… »[10]

Mots clés :

Philosophie, fondement, choix, valeurs, engagement, déontologie, interrogation, sens, direction, réflexion, action, outils, techniques

[1]Philippe Meirieu, cours de philosophie : morale et éthique https://www.meirieu.com/CoursPhilo/coursphilo2.pdf

[2]Jonas, Les principes responsables, une éthique pour la civilisation technologique, Ed. Du Cerf, 1993, Paris, p. 30.

[3] Baruch Spinoza (1632-1677), également connu sous les noms de Bento de Espinosa ou Benedictus de Spinoza est un philosophe hollandais dont la pensée eut une influence considérable sur ses contemporains et nombre de penseurs postérieurs (Hegel, Nietzsche, Gilles Deleuze, …)

[4] Spinoza et Nous : commentaires sur l’Ethique : http://spinozaetnous.org/ethiq/expl.htm

[5] Matthieu Ricard, né en France en 1946 et fils du philosophe français Jean-François Revel et de l’artiste peintre Yahne Le Toumelin, est moine bouddhiste, auteur de livres, traducteur et photographe. Après un premier voyage en Inde en 1967 où il rencontre de grands maîtres spirituels tibétains, il termine son doctorat en génétique cellulaire en 1972, et part s’installer définitivement dans la région de l’Himalaya où il vit maintenant depuis plus de 40 ans.

[6] Alexandre Jollien, Christophe André, Matthieu Ricard, A nous la Liberté ! L’Iconoclaste et Allary Editions, Paris, 2019, p.483.

[7] Christophe André est un psychiatre et psychothérapeute français né le 12 juin 1956 à Montpellier. Spécialisé dans le traitement et la prévention des troubles émotionnels, il est l’auteur de nombreux ouvrages portant sur cette thématique. Il est l’un des premiers à avoir introduit l’usage de la méditation dans les pratiques de soin en France. Un sujet que l’on retrouve d’ailleurs dans plusieurs de ses livres.

[8]Alexandre Jollien, né le 26 novembre 1975 à Savièse, est un écrivain et philosophe suisse. Suite à son étranglement par cordon ombilical à sa naissance, il est atteint d’athétose.
Son premier ouvrage, Éloge de la faiblesse, paru en 1999, a été accueilli par le prix Mottart de l’Académie française de soutien à la création littéraire et le prix Montyon 2000 de littérature et de philosophie. Spécialisé dans la philosophie helléniste, il est également conférencier et intervient dans le cadre du rapport au handicap.

[9] Alexandre Jollien, Christophe André, Matthieu Ricard, A nous la Liberté ! L’Iconoclaste et Allary Editions, Paris, 2019, p.439.

[10] Ibidem, p. 443.

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