
Par Jacque
Le Psychodrame du Sphinx par Pierre Weill[1]
Introduction :
Moreno, le fondateur du mouvement psychodramatique, affirme s’être inspiré entre autres de thèmes mythologiques et de coutumes de peuples de l’antiquité. On pourrait citer notamment, comme il l’a fait lui-même dans ses écrits, l’inversion de rôle tirée de la méthode socratique, la boutique magique du père Noël, la technique du miroir extraite de Hamlet et le double, issu de Dostoïevski. Moreno nous dit qu’il s’est limité à découvrir les idées et à les adapter aux objectifs thérapeutiques. Le Sphinx est en réalité un symbole de la structure évolutive et psychosomatique de l’homme. Le sphinx comme symbole signifierait l’homme à la recherche de sa propre énigme. Il existe en effet, dans certaines publications d’ordre ésotérique, une tradition selon laquelle les animaux qui composent le Sphinx représentent des parties inter liées de l’homme, et en même temps son devenir humain à partir de son origine animale :
– Le Bœuf représente notre vie instinctive, végétative, sensuelle.
– Le Lion symbolise notre vie émotive, le courage, le sentiment, l’affectivité.
– L’Aigle signifie l’intelligence, l’acuité, le pouvoir d’imposer des lois, la raison.
– Le Serpent de l’Uranus frontal symbolise l’énergie cosmique, la puissance Kundalmique du Yoga.
– L’homme c’est en même temps l’ensemble, l’unité, et l’être conscient qui peut diriger cette énergie et la sublimer volontairement, dans un but autrefois initiatique de révélation et d’illumination cosmique. Les principes d’unité micro et macrocosmique, de bipolarité dialectique, de structure tertiaire et du symbole quaternaire qui se rencontrent dans les principales traditions ésotériques de 1’antiquité (Brahmanisme, Égypte, Bouddhisme, Yoga, Zen, Kabbale juive et chrétienne, rose-croix, francs-maçons) et systèmes philosophiques sont encore vivants et font partie des préoccupations des structuralistes modernes. Les différences entre les Sphinx quant à leur nombre d’éléments sont probablement le reflet de la mise en relief d’un ou plusieurs de ces principes. Le modèle freudien de Libido (serpent), Surmoi (Aigle), ça (Bœuf-Lion), de l’Inconscient (Animaux) et Conscient (Homme) se retrouvent également dans le Sphinx.
» your text « Il y a une tradition orientale qui compare l’organisme humain à un véhicule, ou plus précisément à un carrosse. La voiture est tirée par un cheval et dirigée par un cocher. Ces trois éléments permettent au véhicule d’avancer. »[2] : Szondi, pour y faire référence, dans sa théorie du champ pulsionnel, identifie les démons humains à huit pulsions. « L’originalité de cette pensée est de proclamer que la psyché peut être comparée à un attelage tiré par huit chevaux et que chaque possibilité de folie peut être caractérisée par un cheval fou, mais qu’il n’y a que huit possibilités au total. Ce schéma pulsionnel (sans doute réducteur pour certains) permet de coupler les chevaux et de les conjuguer en hystérie et épilepsie, paranoïa et catatonie, manie et dépression, … »[3]. Parmi les techniques psychodramatiques, il existe celle du doublage multiple dans laquelle un ego auxiliaire entre en rapport avec un autre ego auxiliaire, chacun d’eux représentant, derrière le dos du protagoniste, un de ses rôles en conflit: par exemple l’ami et le chef, le professionnel et l’être humain, l’amant et le mari. Le psychodrame du Sphinx est en grande partie une adaptation du doublage multiple; deux ou trois auxiliaires représentant, en doublage, respectivement l’aigle, le bœuf et le lion. Les objectifs du psychodrame du Sphinx sont les suivants: Description de la méthode : « L’usage de la méthode telle que nous la décrivons est susceptible d’adaptation dans le « hic et nunc », comme c’est le cas de toute technique de psychodrame. Son usage se fait en obéissant aux principales phases décrites par J.L. et Zerka Moreno. Il convient néanmoins d’avoir présent a l’esprit les objectifs que nous venons de décrire, ainsi que la symbologie du Sphinx et de ses origines, tels que nos la décrivons dans un livre sous presse. On part en général d’actes automatiques simples qui constituent certains problèmes, par exemple se brosser les dents, se lever tôt le matin, prendre une douche ou se laver, écrire une lettre, fumer, etc. Le thème est choisi par un protagoniste du groupe, soit parce que l’on en a parlé incidemment, soit parce que le psychodrame est proposé par le directeur. On explique au protagoniste ce que c’est que la Sphinx, que chacun de nous a un Sphinx en lui et on explique le symbolisme des différentes parties du Sphinx. Pour simplifier, nous présentons en général deux des animaux: l’Aigle et le Bœuf. On présente les ego- auxiliaire au protagoniste. L’Aigle monte sur une échelle ou une chaise et pose les mains sur les épaules du protagoniste, en exerçant une certaine pression pour symboliser physiquement les pressions sociales des rôles sociaux ou du Surmoi. De temps en temps il prend la pose d’un aigle avec ses ailes. Le Bœuf s’assoit sur une chaise et entoure de ses bras les reins du protagoniste. Celui-ci se tient debout. Si l’on emploie aussi un ego auxiliaire comme Lion, celui-ci entoure le protagoniste de ses bras au niveau du thorax. On demande alors au protagoniste de se mettre dans la situation temporelle et spatiale et à commencer son acte automatique: se brosser les dents par exemple. On lui demande aussi de commencer un soliloque. Pendant le soliloque, les doubles commencent à parler. Ils disent ce que probablement le protagoniste ressent, mais n’explicite pas assez, par exemple: Au moment opportun, quand l’aigle parle, le Directeur demande « qu’est-ce que ça te rappelle, qui est-ce qui parlait comme ça? » Dans tous les cas que nous avons traités, le protagoniste indiquait une autorité: le père, la mère ou un substitut. Suivant le contrat avec le groupe et les objectifs tracés, on peut alors aller en profondeur et reconstituer les événements importants qui ont présidé à la formation du comportement. En moins de cinq minutes on dépasse la frontière de cinq ans, si difficile à franchir en psychanalyse classique et on rencontre les premiers stimuli, renforcements positifs ou négatifs, qui ont modelé le comportement opérant. Après la représentation on revient à la position initiale du protagoniste et de ses doubles et on résume la scène initiale. Le Directeur demande alors au protagoniste: « Qui est en réalité ton Aigle? » – « C’est Papa, ou Maman, ou les deux » est la réponse que l’on obtient en général. « Alors tu as Papa et Maman en toi, n’est-ce pas? » Tel est le dialogue qui peut s’ébaucher, et qui permet au protagoniste de conscientiser et conceptualiser son vécu. En plus de cette prise de conscience de ses conditionnements ou introjections, il est important de poser la question au protagoniste « et maintenant que penses-tu faire? Comment te sens-tu en relation de tout ce qui a été vécu ? » C’est la phase de décision personnelle et de renforcement du Moi. »[4] Le modèle du Sphinx rappelle beaucoup le modèle psychanalytique : nous avons d’un côté notre vie instinctive : le ça et de l’autre côté notre sur-moi, produit de l’introjection des valeurs parentales et sociales. Le sur-moi est généralement rigide. Voici un exemple simplifié d’une situation concrète : Dialogue du « ça » : « je n’ai pas envie de me lever le matin. J’ai plutôt envie de continuer à dormir ». Dialogue du « sur-moi » : « je ne peux pas rester au lit parce qu’il faut aller travailler ». Dialogue et décision du Moi : « je décide d’aller travailler ». Ici c’est le moi qui s’affirme par un choix personnel entre la pulsion et les contraintes qui sont imposées de l’extérieur. Une variante de la technique du Sphinx est utilisée dans le but de favoriser un lâcher-prise et indiquée aussi pour des patients qui se prennent « trop la tête » c’est-à-dire qui cérébralisent trop. Celle-ci consiste à retourner essentiellement à l’expérience sensorielle, à écouter le corps. Sur la scène thérapeutique, en séance individuelle ou en groupe, on joue l’être et le sentir qui permet l’écoute de soi, du corps, de l’être. Au lieu d’être dans » je dois, je devrais, il faut, il faudrait… »,nous jouons, représentons les émotions, les perceptions, les sensations. Le travail sera surtout intrapsychique et non plus interrelationnel. Nous donnons au participant l’occasion de retrouver l’inspiration, de se donner la permission de ressentir, de se laisser-aller. Plutôt que de chercher « qu’est-ce qu’il faut que je fasse, que je dise », etc. Le corps, que vit-il, que veut-il ? La méthode consiste à demander au patient de s’allonger sur le dos (nous lui donnons un tapis). Le thérapeute peut aider le participant en posant ses mains sur le bas des jambes afin qu’il se sente davantage et avec le sol et avec son corps. Se retrouver sur le sol, dans son bassin, avec ses mains, pieds, sa tête, éprouvant des sensations (froideur, chaleur, picotements, etc.) permet de faire une pause, permet une re-création, de faire l’inventaire. Cette technique permet aussi de vivre des impasses, des tensions, des tensions bipolaires inhérentes à la personnalité humaine et en définitive permet au Moi d’émerger. Les tensions peuvent provenir de l’écart entre le Moi et l’idéal du Moi (le sur-moi) entre le Moi et le Moi idéal (l’idéal narcissique de toute-puissance) entre la réalisation d’un désir et sa non-réalisation par exemple. [1] Professeur de psychothérapie de groupe ct psychodrame à l’ l’Université fédérale de Belo Horizonte (Brésil). Exposé présenté au Congrès international de Psychodrame à Amsterdam 1971. Référence :Folia Psychodramatica. [2] Pierre Weil, Le sphinx, mystère et structure de l’homme, Ed. EPI, Paris, 1972. [3] J.Schotte, Un Parcours, Editions Le Pli, Montreuil, 2006. p.424. [4]Pierre Weil, Le psychodrame dus sphinx, Folia Psychodramatica. » your text 27 février, 2024 16 février, 2024 La métaphore de la voiture-carrosse chez P.Weil et L.Szondi :
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